qu'un creux de la montagne, en réalité un plat au sommet d'un col. Leurs regards s'étaient rencontrés,

regard d'aigle qui perce et vainc, regard d'enfant qui caresse et interroge. Le Grand Aigle s'était

approché d'un grand coup d'aile, l'enfant avait levé la main en un signe amical. Depuis, le Grand Aigle

avait essayé de retrouver celui qui était, l'espace d'un instant, devenu son ami et qui avait disparu

depuis, survolant en vain steppes et montagnes.

Le Grand Aigle du Pamir s'ennuyait.

Son ami l'enfant était le Jeune Timothée.

L'hiver était arrivé. Début décembre, ce fut la première neige. Puis vint le froid. De plus en plus

rude. La nuit, sur tout l'Afghanistan, la température descendait autour de moins vingt degrés et remontait

difficilement à moins cinq au grand soleil de midi. Le pays souffrait. La nourriture était rare pour les pauvres.

Les récoltes de l'année avaient été faibles à cause de la sécheresse de l'été et les réserves de blé et de

pommes de terre diminuaient. Les riches étaient dans les villes au fond de leurs belles villas, avec leurs

téléphones, leurs musiques, leurs téléviseurs et leurs pick-up. Les riches s'enrichissaient de l'argent des

Etrangers et des terres où travaillaient les pauvres. Trafics et débrouillardise. Mais dans le cœur vivant

du pays le peuple priait cinq fois par jour et espérait.

Ce jour-là, le Jeune Timothée décida de quitter la qala de Daoud le prince mélancolique et de Davida

la princesse de lumière. Il lui fallait respirer l'air sec et pur des montagnes au soleil clair du matin. Il se vêtit

de son manteau de fourrure en peau de loup, chaussa ses bottes doublées d'une fourrure de karakul, se

coiffa de son bonnet en peau de renard, prit son sac à dos, son couteau pointu et un morceau de pain. Il

laissa un mot à ses frères. "Je vais faire un tour ! A tout à l'heure au plus haut du soleil. Signé Tim la Magie"

Et il partit.

La neige était déjà profonde, elle continuait à tomber, dru et en silence. Le Jeune Timothée aspira à

pleins poumons cette nature superbe, sans limites ; il avança droit devant lui comme sur une mer immense,