était vide et désespérément blanche. Les traces de pas de Timothée avaient disparu, effacées par la

neige et le vent. Daoud prit l'initiative de se diriger droit devant au-delà du portail, espérant que le Jeune

Timothée avait suivi le chemin en direction des anciens bouddhas. Pari incertain mais hardi et intelligent.

Timothée aimait contempler les falaises qui avaient servi de refuge aux Géants. La petite troupe s'élança

lourdement. Les cœurs battaient.

Dans le froid, la glace et la neige, du haut de son aire du Pamir, le Grand Aigle était inquiet, son

regard était trouble et incertain ; une douleur inexprimable le tenaillait au profond de lui. Son ami. Oui, c'était

cela. Son ami l'enfant des hommes était en danger. L'air glacé des cimes transportait jusqu'à lui un message

d'alerte. Le Grand Aigle déplia ses gigantesques ailes, il glatit dans la direction du soleil levant, prit son

envol de puissance et de majesté et se dirigea vers la vallée de Bâmiyân.

Le prince Daoud avançait avec difficulté, la neige jusqu'aux mollets ; les trois frères suivaient, la neige

jusqu'aux genoux. Les chasseurs, armés, étaient derrière, disposés en voltigeurs. Personne ne le disait mais

tous le pensaient. Le danger, c'était le loup. Il fallait faire vite. Quelle imprudence ! Quelle folie ! Sortir seul par

un temps pareil ! Ah, je vous le promets : si on le retrouve, jamais plus il ne recommencera. Au pain sec et à

l'eau ! Au cachot, Timothée et ses tours de passe- passe ! Ah ! Pauvre enfant… Peut-être est-il déjà sous les

crocs de la bête immonde ? Vite, vite. Plus vite. Là-bas, il me semble voir des traces de pas. Criez, criez tous !

Et vous, tirez quelques coups de feu en l'air…

Et soudain le silence absolu. Tous s'arrêtent. Un hurlement lointain. Les loups ! Courage, petit frère ,

on arrive ! Et au détour d'un rocher, une vision incroyable, inconcevable, tout à fait fantastique : Timothée,

droit dans ses bottes, impérial ; près de lui, ailes déployées et bec agressif, un grand aigle royal le flanque et

le protège ; et devant, six loups immobiles, figés ,pétrifiés, couchés dans la neige, tremblant de peur, claquant

des crocs.