sur un mûrier, Timothée racontait les blagues de Monsieur Pomme de terre. Léo, arpentant le jardinà grands pas, déclamait avec ardeur ses poésies préférées. Quant à Daoud, son visage était éclairé
d'une lumière inhabituelle. Même Siméon semblait vouloir sortir de sa profonde mélancolie. Seul le
devin restait imperturbable. Quand l'épaule du mouton fut cuite, que les chairs se détachèrent des os,
la vieille domestique se saisit de l'omoplate, la nettoya et, sur un plateau de cuivre, la présenta à son
maître. Celui-ci prit l'omoplate entre deux doigts et la leva face au soleil: elle était translucide, parfois
presque transparente, avec de nombreuses taches dessinant des motifs mystérieux. "Approche, jeune
musicien! Car je sais que tu es musicien et que tes notes parlent aux étoiles.". Examinant avec soin ces
motifs sibyllins, il poursuivit: "Là, vois-tu, cette forme est celle d'un crâne humain. Et là, de l'autre côté de
cette longue ligne grise, cette tache ovoïde, c'est la vieille Balkh, l'antique cité détruite par Gengis Khan.
Va à Balkh, Capitaine. Dans la terre aïeule, fouille et trouve un crâne. Sous la lune tu lui parleras et il te
dira le secret de ta vie. Tu retrouveras la musique et la joie. Hymne!" Cette conclusion étrange indiqua
que la consultation était terminée; il se cala sur ses coussins verts et s'endormit. Daoud glissa discrète-
ment quelques billets sous la théière et tous sortirent.
C'est ainsi qu'ils s'étaient retrouvés dans la plaine du nord, aux portes de Balkh la nouvelle. Aprèsavoir assisté au fameux bouzkachi gagné par Antonin et Aspe, après avoir franchi par une piste étroite
et poussiéreuse un défilé impressionnant de roches noires, sans s'attarder au bazar fameux dans tout
l'Orient, ils avaient pris la direction de l'ancienne Balkh. Antonin sur Aspe. Les autres dans le minibus
conduit par Daoud.
La citadelle de Balkh n'était plus que ruine, de forme ovoïde, entourée de hautes murailles de terrelongues de plusieurs kilomètres, dominant la plaine d'une vingtaine de mètres. Au centre de ce gigantes-
que ovale, rien. La terre seulement, amas de ruines accumulées du passé. Rien et le silence uniquement