au rythme des cahots de la piste. Homa chantait d'une belle et chaude voix des airs nostalgiques du

Nouristan. A la qala, Timothée et Siméon étaient vite allés se recoucher sous leur édredon de coton de

Djalâlâbâd, profitant de leur solitude pour faire une grasse matinée de douceur, de bonheur et même

de béatitude.

Les chevaux étaient de belles bêtes d'Asie, courtes sur pattes, vives et aux naseaux fumants dans

l'air frais de ce matin de printemps riche de parfums et d'exaltantes rêveries. Le campement était situé

au bas d'un col, en lisière de la longue steppe qui s'étendait jusqu'au soleil qui se levait là-bas au loin.

Daoud expliqua la règle du jeu. Il s'agissait de repérer une gazelle, contrainte par les rabatteurs, de la

poursuivre, de galoper au plus près d'elle, flanc à flanc, jusqu'à épuisement et mort par arrêt cardiaque

de la bête terrorisée. Jeu fatal. Fantastique, se dit Antonin excité au plus point. Jeu barbare, pensa Davida,

qui resterait au camp à lire des poèmes de Hâfez et de Sâadi, au chant du vent et à la lumière enivrante du

soleil.

"En selle ! Hia !". Homa , Léo, Antonin et Daoud s'élancèrent en ligne, les quatre cavaliers de front,

le regard avide portant au loin sur la steppe large et infinie. Ils galopaient en silence, s'astreignant à ne

point se dépasser, laissant derrière eux une poussière opaque. C'est Homa, la première, qui aperçut

le groupe de trois gazelles fuyant les rabatteurs. Le galop s'accéléra. Le cœur des chasseurs aussi. Homa,

à présent, menait la course, Léo au plus près. Daoud et Antonin choisirent chacun leur bête, prêts à aller

jusqu'au bout de la course mortelle. Homa et Léo, quant à eux, galopaient de part et d'autre d'une jeune

gazelle aux cornes vives, à la robe fraîche couleur de terre, le regard empli de terreur. Léo était dans un état

second, sa pensée n'était plus que galop, bruit de sabots, sifflement du vent, lumière et folie meurtrière. D'autant

que la présence proche, devinée, ressentie, d'Homa ajoutait à son vertige. Au loin, les cris furieux d'Antonin.

Homa galopait en silence; elle serra au plus près la gazelle prise entre les deux chasseurs. La bête n'irait pas

plus loin et n'aurait connu que sa jeunesse d'innocence. Poussée légèrement du pied par la jeune fille, elle