Hadji le Guérisseur

 

 

Le soleil était éclatant: sans surprise. Et Mina pleurait. La campagne était blanche, depuis

un mois maintenant. Mina gémissait depuis des heures. L'air glacé de la nuit avait figé toute vie,

mais Mina luttait pour survivre. Toute la nuit ses parents avaient veillé, se relayant auprès du

matelas empli de fleurs de coton posé à même le sol. La fillette était immobile, le souffle court,

les yeux entrouverts; parfois, elle poussait un cri de terreur, ses mains s'accrochaient au bras de

sa mère; son père lui parlait, essayant de la rassurer. Mina était malade depuis quinze jours déjà:

elle avait une fièvre sans doute légère car ses mains étaient à peine tièdes; puis brusquement

la crise survenait, son front était brûlant, Mina était prise de panique, elle voyait des monstres

qui la regardaient, menaçants, les murs de la maison se rapprochaient d'elle au point de l'enserrer,

tout l'espace basculait, instable, bourdonnant et cotonneux. Mina avait une dizaine d'années;

jusqu'à présent elle avait été une fillette vive et joyeuse, elle courait insouciante dans la campagne

de Bâmiyân dans sa robe fleurie, son pantalon bouffant de coton, un fichu sur la tête, sandales de

plastique aux pieds; les froids venus, elle portait une veste tricotée en laine de chameau et un large

châle qui lui couvrait la tête et les épaules, la protégeant des terribles hivers afghans. Elle était

d'une famille de paysans aisés qui possédaient terre et maison. A dix ans, elle était déjà un beau

parti et elle était convoitée. Mais elle ne le savait pas. Ou plutôt elle repoussait ces perspectives

étranges, les cachant au fond de sa vie secrète, enfouies au cœur de ses tourments.

Mina était tombée malade à la fin de l'automne, progressivement. Elle avait perdu l'appétit,

ne souriait plus; elle avait bien toussé un peu, eu mal aux oreilles, mais c'était sans gravité, ses