A Lapporten

 

La Porte lapone - Lapporten - se découvre au plus clair du jour de l'été polaire, un peu au sud d'Abisko,

sur la route qui relie, bien au-delà du cercle arctique, Kiruna, centre suédois du fer et de l'espace, à Narvik

la norvégienne, fjord né des froides mers océanes, domaine des sternes aux vents glacés.

 

La Porte lapone s'ouvre ainsi vers le nord ; elle est l'aboutissement d'une vallée glaciaire, issue des profondeurs

cachées de la montagne et qui se brise, en U, brutalement et abruptement au-dessus du lac Torne. Gigantesque

femme adossée au soleil de la nuit, offrant ses entrailles mystérieuses et riches, délivrant aux domaines de l'eau et

de la lumière la force de la vie et la palpitation du futur.

 

En fait, la vision de cette vulve géante est rare et difficile. Fondue dans la nuit de l'automne au printemps, elle n'est

que rarement visible à la lumière de l'été, lorsque la fine pluie du ciel nordique a fini de noyer les mousses et

les bouleaux de la montagne primitive. Il faut alors se couvrir d'imperméables et de capuches étanches, de filets protecteurs

des visages,et progresser lourdement dans la mousse spongieuse, sous les nuages humides, à travers les nuées

de moustiques avides de l'eau et du sang. Mais, ô gloire ! L'arrivée sur le seuil de la Porte, les premiers pas,

pénétration impudique et forte d'un domaine étrange et inhumain, dans la lumière douce bien que froide,

caressante et au demeurant inquiétante, accueillante et toutefois brutale : lumière de la nuit. On peut, dès lors,

se retourner et regarder le Nord, vers l'infini polaire et désertique. Je suis ainsi Máttaráhkká, femme impavide

unie à la terre, maîtresse de la nature barbare, végétale et noueuse, mousse et fougère, bouleau enraciné.

Espaces du Nord, nous êtes miens, vous me prenez et m'enfantez, je vous fais mes amants puissants et éternels :

stellaires et spatiaux, vous m'apportez de l'au-delà des terres humaines, la vie venue de la froideur des espaces des cieux.

 

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