Les moais sont épars 

Les pentes du Rano Raraku sont parsemées de centaines de moais abandonnés en cours d'élaboration ou d'acheminement vers leur site de destination.
 

 

Les moais sont épars sur l'herbe battue par les pluies océanes et les vents des tropiques. Brisés, renversés, enfouis, culbutés. Humiliés. Le regard mort fixé sur l'infini. Le sourire perplexe, désabusé, dédaigneux, doucement ironique devant le sort qui les atteint. D'autres, inachevés, sont encore pris dans la roche du volcan qui les a générés, riche des forces telluriques, porteurs de l'âme de la terre mais à jamais incapables de se dresser avec leur coiffe de pierre rouge, leur regard de corail et d'obsidienne portant au loin le mana des ancêtres. Délaissés et pensifs, ils ne comprennent pas la triste, brutale et mortelle fin de la civilisation qui les a engendrés. Et les hommes sont oubliés qui les ont conçus, les filles vibrantes et les enfants hilares qui les voyaient descendre en dansant les pentes du volcan jusqu'au rivage final.

Interrogations inachevées sous un ciel impassible. Réponses improbables. Evanouissement irrémédiable du passé. Mémoire fatale. Terrifiant passage du temps désenchanté.

Les moais sont épars sous la pluie.

Douloureuse et pesante mélancolie d'une île inexpliquée.

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