Polynésie, Envers du monde
MOEANU, REVE DE FRAÎCHEUR
 
La brise de l'aurore, à la senteur de musc,
à nouveau soufflera
et le vieux monde alors reverra sa jeunesse
 L'arrivée

 

Nulle vahiné couronnée de fleurs pour saluer mon arrivée dans la baie de Cook;

nul pêcheur en pareo pour m'offrir une corbeille de bananes, de mangues ou de

papayes, de goyaves ou d'ananas; aucun chant de jeunes filles sous les cocotiers

du rivage; aucun ukulele au son vif; aucun tambour au rythme sourd. Seul le silence

de la plage déserte et de la montagne inconnue. Je me suis avancé vers l'île, dans

l'eau tiède jusqu'aux cuisses; le sable était de corail et je m'y suis agenouillé, de fatigue

et de crainte, mais de gratitude et d'apaisement aussi. Je venais de je ne sais où, par

delà le flot brumeux et la houle porteuse; j'avais quitté pour toujours les lontaines

terres solides et les neiges maternelles.

 

Les crabes furtifs et les mouettes noires sont venus à moi et je n'ai pas eu peur. 

Je me suis assis à la lisière de l'eau, les pieds caressés par le flot léger. J'ai attendu

les premières étoiles comme j'avais un jour attendu les premières étoiles dans le ciel

glacé de Band-i-Amir; mais ce jour-là, ma mère lointaine était près de moi et son regard

m'accompagnait. Et celui de mon père, fort.

 

A présent, je suis aux antipodes de mon pays de souffrance, de froid et de chaos. 

Ici, tout est tendre, tiède ; tout est harmonie. Hormis la mémoire et le douloureux oubli. 

J'ai levé les yeux à la recherche de l'improbable Croix du Sud, la voûte étoilée était trop

dense et je ne l'ai point trouvée. J'ai choisi alors deux étoiles flamboyantes, l'une orangée,

presque rouge, pour toi mon père, l'autre éclatante, pour toi ma mère. 

Et je suis allé ainsi jusqu'à vous dans l'équilibre céleste.

 
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