dans la vallée, au pied du temple de Denderah
Le temple de Denderah, dans son immobile horizontalité, se confond avec la terre d'Egypte :
il en émerge avec lenteur pour s'éveiller au soleil de l'orient. Filles de jeunesse et d'éternité
gravées dans la pierre calcaire, porteuses de fruits, de fleurs et de présents figés, bassin à l'eau
sereine, air léger de l'aurore, ocres pastel, étranges interdits, éros dominant et lumineux. Thanatos
attendra la nuit aux parfums nilotiques : le soleil couchant et maître du passé, le braiement des
ânes, le chant affaibli des coqs, le fleuve tout-puissant, le gris du sable lointain , gris des souvenirs
profonds qui remontent et se mêlent au chant de la flûte du soir. Bufflesses sur la rive ; femmes
colorées sans voiles ; fillettes à la cruche ; jeunes garçons nus dans l'innocence du soleil qui rougeoie
et dans l'eau qui scintille ; les barbes blanches rentrent, les ibis s'immobilisent, le Nil lui-même semble
s'assoupir, la flûte fait silence, la dernière felouque roule sa voile blanche, le vent du soir emporte les
dernières lumières, apaise les derniers tourments du jour, la rive occidentale s'éteint dans l'obscurité
du désert saharien : il emporte avec lui le passé douloureux et l'enfouit dans le secret des horizons mauves.