Nubiens d' Abou Simbel
Le soleil orange éclaire lentement les colosses tranquilles d'Abou Simbel. Leur regard
assuré se porte au-delà du lac nilotique et des sables gris, vers l'orient quotidien qui les
éclaire depuis les millénaires oubliés. Cette lumière ascendante, croissante, qui éblouit leurs
yeux et le sourire discret de leurs lèvres de pierre, va chercher à leurs pieds, dans le recoin de
l'ombre, les hommes trop humains qui gémissent, agenouillés, les mains liées, encordés l'un à
l'autre en une procession humiliée : de l'Egypte impériale, les prisonniers nubiens.
Ils courbent la tête sous le coup qui les frappe; leurs yeux craintifs n'osent se lever versle roi qui les domine ; à peine reçoivent-ils une parcelle de lumière arrivée jusqu'à eux comme
égarée, poussière de soleil accordée aux plus humbles des hommes ; ils n'ont à eux que ce pagne
de calcaire encore accordé pour cacher le seul bien qu'ils possèdent, inutile et dérisoire, que le
puissant a bien voulu leur laisser en marque du peu de vie et de l'infime dignité qui leur restent.
O frères déchus. Parias vaincus, misérables qui traversez le temps. Poussières d'humanité.
Indestructibles vivants, racines, source renouvelée
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