les crêtes des montagnes, noires dans le ciel naissant. Mais Timothée avait encore sommeil etseule la langue affectueuse de Moushi, la petite chienne qui les avait suivis depuis Bâmiyân avait pu
le tirer du somme heureux qui l'avait emporté loin, très loin dans un pays de musique où la guitare
était reine. Il sortit son bras de sous la couverture et secoua l'épaule d'Antonin : "Hé ! Antonin, va
faire du feu, c'est ton tour !". Antonin grogna mais se leva d'un bond : dans son rêve, il galopait comme
un fou dans la steppe, monté sur Aspe, à la poursuite d'une gazelle qu'il essayait d'épuiser à la course.
La gazelle l'avait échappé belle. Grognant, donc, comme à son habitude, Antonin prit une brassée de
ces buissons épineux qui parsèment la steppe et font le délice des chameaux au palais si délicat.
Timothée s'était rendormi ; en vrais musiciens, Léo et Siméon respiraient en cadence, libérant leur
souffle harmonieux sur un accord de Fa dièze mineur, indifférents au froid et à l'aurore qui arrivait.
Antonin mit le feu aux brindilles, et une belle flamme éclaira son visage ensommeillé. Il étaitcomme hypnotisé par la danse illuminée qui le réchauffait. "Hé ! Antonin ! Fais chauffer l'eau !"
"Ah, quel tyran, ce Timothée Rendors-toi, mon petit, retourne au pays de la guitare et sois rassuré,
Sa Majesté Antonin 1er, roi de Miri-Miri, veille sur son peuple."
Et Antonin veilla. Accroupi, enveloppé de sa couverture, il réchauffait ses mains autour d'un verrede thé qu'il buvait à petits coups. Le premier thé du jour dans la solitude du premier matin du monde.
Tous les quatre étaient à présent réunis autour du feu, trempant un morceau de pain dans leurverre de thé, Moushi guettant quelques miettes, espérant une caresse, rêvant à un os improbable.
Léo troubla soudainement le silence qui les unissait : "Attention, Antonin, une abeille, près de toi !"
Antonin, d'un geste nerveux et désordonné chassa la bestiole sans la voir. "La voilà qui revient !Elle tourne autour de toi ! Elle pique sur toi !" Mais cette fois, Antonin resta impassible et observa
l'insecte dansant autour de lui une gigue étonnante. "Bizarre abeille Abeille d'or Elle ne veut pas
me piquer La voilà qui s'éloigne La voici qui revient Que veux-tu, douce abeille ? Belle abeille