taciturne et rêveur. Timothée marchait devant, sa guitare en bandoulière, pensant aux notes guitaristiquesqu'il jouerait dans son repaire de Bâmiyân, sous des acacias chargés d'oiseaux, au chant de la rivière.
C'est ainsi qu'il ne vit pas arriver, sortant du lycée voisin, une nuée d'enfants de son âge qui l'entourèrent
en virevoltant et en criant joyeusement "Viens avec nous !". Et ils l'entraînèrent malgré lui vers la grande
esplanade devant le lycée, à deux pas du palais. Les trois frères et Daoud suivirent, un peu interloqués
mais confiants toutefois. La foule devenait plus dense. Les vieux babas jouaient des coudes pour passer
devant et trouver le rang dû à leur âge, quelques femmes s'esclaffaient sous leur tchadri, quelques filles,
écolières voisines, en robe noire faisaient tourner leur foulard blanc au-dessus de la tête, interpellant Timothée,
"Hou hou, joli garçon !", sous les regards effarés d'adultes qui ne comprenaient plus rien à ce qui se passait,
tellement effarés qu'ils n'osaient même plus intervenir pour ramener un ordre qui leur échappait. Le groupe
formé par les jeunes élèves du lycée Esteqlal, par Timothée et sa guitare, ses frères et Daoud, avançait à
grands pas, parfois même en courant, vers le centre de l'esplanade.
Et là, ils virent.Sur un socle de granit, une statue de bronze : Olaghak le petit âne, il vif, poil brillant, queue lisse et
oreilles vigoureuses. Daoud s'approcha et lut l'inscription sur le socle en dari et en pachtou et la traduisit
aux quatre frères :
A l'âne héroïquele véritable vainqueur de toutes les guerres afghanes
C'est lui qui avec patience, ténacité, courage et force
transporta les armes de la liberté
Gloire à Olaghak
et à tous les ânes de l'Afghanistan