Mahbouba et Siméon quittèrent le chemin de terre et se dirigèrent vers la falaise qui surplombait

Bâmiyân. Ils passèrent devant la niche vide du grand Bouddha détruit au canon et à l'explosif par les

barbares, belle statue qui, de ses 53 m, dominait la vallée de sa sagesse séculaire. Les deux jeunes

silhouettes, furtives et rapides, longèrent la falaise jusqu'au petit Bouddha - enfin, plutôt jusqu'au vide

qu'il en restait puisque lui aussi avait été détruit par les taliban, qui à l'époque dirigeaient l'Afghanistan.

Mahbouba accéléra le pas sous le soleil blanc. Siméon suivait en soufflant. Mais souffler était chez lui

une habitude, et même une spécialité. Mahbouba, légère, se glissa dans une étroite fissure de la roche ;

Siméon suivit, confiant. Ils s'enfoncèrent dans la montagne.

La galerie s'élargissait. La pente était faible mais certaine. L'obscurité gagnait et Siméon n'en

menait pas large, d'autant que le passage était étroit. Au loin, toutefois, une lumière diffuse les guidait.

Le sol était encombré de rochers qui rendaient la progression scabreuse. Siméon trébucha plusieurs

fois, sans pour autant lâcher sa trompette. Mahbouba aux pieds légers allait devant, guidée par la lointaine

lumière. Enfin, ils débouchèrent dans une petite salle souterraine éclairée par une source lumineuse

indéfinie. "Regarde, batchagak.". Mahbouba montrait à Siméon un endroit précis de la caverne. Mais

quand Mahbouba l'appelait "batchagak", le cœur de Siméon tremblait, sa vue se brouillait, la tête lui

tournait. Siméon ne vit rien. Alors Mahbouba lui prit la main et le tira jusqu'à la paroi rocheuse, au cœur

de la montagne. "Regardez, Capitaine !". Siméon reprit ses esprits un instant tourmentés et regarda :

peint sur la roche, un magnifique bouddha, vêtu d'une robe vermillon, les cheveux ramenés en arrière,

le sourire immobile, le regard doux et le cœur en paix. Autour de lui, des singes sautaient dans l'allégresse.

Mahbouba et Siméon étaient hypnotisés par ce chef d'œuvre. Le Capitaine, à présent, était redevenu

maître de lui-même. "Mahboubak, tu es une fille formidable !" Ce fut au tour de Mahbouba de trembler.

C'était ainsi chaque fois que Siméon l'appelait "petite Mahboub". "Cette peinture a certainement plus

de mille ans ; les statues de bouddhas dataient sans doute du VIe siècle, cette peinture doit avoir le

même âge. Quelle merveille ! Quelle merveille!"