verticales vertes, rouges et brunes. Daoud, prince droit au regard lointain montra d'un signe la plaineimmense où devait se dérouler le bouzkachi. Les deux équipes de cavaliers étaient prêtes, chacune
avec sa couleur, tuniques rouges, tuniques jaunes, serrées par une ceinture de cuir sur des pantalons
bouffants, bonnets d'astrakan, bottes, cravaches à la main. Les cavaliers - les tchapandoz - s'élancè-
rent brutalement vers le lointain. Il s'agissait de conquérir une dépouille de chèvre posée sur le sol et
d'aller la déposer au centre d'un large cercle. Batailles. Fureur. Poussière; coups de cravaches sur les
bêtes et sur les hommes. Fuite éperdue dans la plaine. La carcasse passait d'un cavalier à l'autre, ar-
rachée par la force et la violence, dans la poussière et dans le sang. Pour suivre le combat Léo, Siméon
et Timothée étaient grimpés sur le toit d'un bus.
Les cavaliers, à présent, étaient trop loin dans la plaine. On attendait leur retour, au gré des cour-ses et des batailles. Antonin, monté sur Aspe, essayait de suivre les péripéties du bouzkachi, juché
sur un mamelon. Mais la poussière qui recouvrait la plaine empêchait de distinguer les cavaliers et de
savoir qui portait la chèvre. Davida chantait intérieurement et en silence, nullement intéressée par les
sauvageries brutales des hommes. Daoud regardait pensif les tchapandoz en furie: son esprit était
ailleurs, dans l'infini de la plaine.
Mais la contemplation de la plaine n'était pas du goût d'Aspe. Il se dressa sur ses pattes arrière,poussa un hennissement frénétique et s'élança à la poursuite des tchapandoz au loin dans la steppe.
Malgré son jeune âge, Antonin était un cavalier expérimenté; d'une main adroite, il se cramponna à la
laisse du cheval ardent, puis ses deux bras se nouèrent au cou de Aspe. Peu à peu, il en reprit la maî-
trise. En fait, Aspe s'était laissé emporter par une fougue atavique issue des hordes mongoles: en peu
de temps son galop eut rattrapé les deux équipes de cavaliers qui s'affrontaient pour conquérir la chèvre.
Antonin se prit au jeu. Cravache entre les dents, l'il en feu, cheveux aux vents venus des lointains d'Asie