faisaient de la balançoire en riant aux éclats ; un paysan qui foulait du blé avec son âne et un rouleaude pierre. Plus loin, venant d'une des petites maisons, sur la droite, un bruit étrange et familier, toc, toc
toc ! Antonin s'avança, à la fois incrédule par ce qu'il devinait et perplexe par l'incongruité de ce qu'il
pressentait. Mais oui, c'était bien ça le toc et toc et toc ! Il jeta un coup d'il par une fenêtre : c'était
Timothée et son cousin Mateo qui jouaient au baby-foot ! " Tu as été long ", dit Timothée, "Une minute,
dit Mateo, on en est à 7 à 7". Antonin, interloqué, continua son chemin. Grand-père n'était plus là. L'âne
et le cheval avaient sans doute été emmenés aux écuries. Un domestique s'approcha : "Par ici, jeune
étranger !" Antonin pénétra dans la grande bâtisse au centre de la qala.
Une trompette joyeuse l'accueillit au son de la 9e de Beethoven ; bien sûr, c'était le capitaineSiméon. Antonin ne s'étonnait plus de rien. Même pas de ce cri de bébé qui provenait d'une pièce sur
sa gauche et de la berceuse chantée d'une voix fine. "Bonjour, Anna, bonjour, Felicia,bonjour mes cousines".
A l'appel ne manquait que le Prince Léo.Sa Majesté de Miri Miri avançait à présent sur des tapis aux couleurs rouge et brune. Il marchait
avec assurance, certes, mais bien qu'il ne voulût pas se l'avouer, avec une certaine, oh ! non pas timidité
- sa royale majesté avait trop de force pour cela, mais avec une certaine modestie. Il traversa deux salles
aux plafonds de bois, aux murs mauves et aux sols recouverts de nattes et de tapis. Les tapis, en laine de
chameau ou en soie, étaient maintenant parsemés de pétales de roses, blancs, roses, jaunes. Une
dernière porte s'ouvrit et Antonin, sans surprise, aperçut le prince Daoud et la princesse Davida. Ils
étaient assis sur un grand tchârpoï, lit en bois de peuplier, carré, au sommier fait de lianes entrelacées,
recouvert d'un matelas vert empli de fleurs de coton. Daoud et Davida étaient adossés à des coussins.
Daoud, dans son costume afghan blanc aux belles broderies, tenait une rose rouge qu'il portait de temps
en temps à ses narines. Davida, dans une longue robe verte constellées de petits miroirs étincelants jouait
de son rubâb, un luth à neuf cordes posé sur ses genoux, une mélodie cristalline. A l'approche d'Antonin, ils
se levèrent et l'embrassèrent avec affection. "As-tu fait bon voyage ? Nous t'attendions. Veux-tu un verre de