la veille, pour un pique-nique géant en l'honneur de l'anniversaire de Léo. Pique-nique à l'air vif et puissant,face à l'immensité des steppes aperçues en bas, tout en bas. Mais la piste était longue, le chemin scabreux
qui les menait au sommet espéré. Timothée reprenait son souffle, Siméon, à bout de souffle laissait sa
trompette muette, Antonin, lui, était soufflé par la beauté du paysage. Quant à Léo, il ne manquait pas de
souffle et continuait à haranguer la terre grise et le vent magique des montagnes :
- Courage, mes frères, buvez un peu d'eau et on repart. Hardi ! Hardi !
Antonin se remit au volant, Siméon sonna la charge, Timothée s'appuya sur le coffre de la très vieille ettrès fatiguée Volga construite dans l'URSS des années 70, Léo se lança dans une mélopée à la gloire des
pierres sèches. La Volga hoqueta, fit un tour de roue, puis deux, et repartit en souffrant, Timothée en gémissant,
Siméon en soufflant, Antonin en sifflant, Léo en chantant.
A présent la passe était en vue. La piste se resserrait sous le soleil vif de midi. L'ombre était courte.Les quatre frères, que dans ces circonstances il faut bien qualifier de héros, avançaient péniblement vers
le haut du col, quand des coups de feu éclatèrent sur leur gauche. Interloqué, Léo se figea : dans la minute
qui suivit, d'autres coups de feu se firent entendre sur la droite. Siméon, assourdi par sa trompette n'avait rien
entendu, tout comme Timothée, épuisé, et Antonin, absorbé par ses manuvres savantes. Aucun doute, on tirait
devant eux. Sur eux ? Impossible de savoir. Léo arrêta de déclamer sa poésie pour lancer à ses frères dans la
prose la plus banale, la plus ordinaire ; "Aux abris, derrière ce rocher !". Cette fois, c'était une certitude: les quatre
frères se trouvaient au cur d'une embuscade. Leur était-elle destinée ? Dans le doute, ils s'étaient accroupis
entre la Volga et le gros rocher. Léo avait réussi à tirer à lui sa carabine Remington, de fabrication américaine,
à 15 coups -14 cartouches 22 LR dans la crosse plus une dans la chambre de tir. "Ordre et sang-froid !", lança-t-il
à ses frères ; "Tempo et harmonie", répondit Siméon ; "Vitesse et précipitation", ajouta Antonin ; "Patience et
longueur de temps", termina Timothée. Chacun, face au danger, avait lancé sa devise. Le silence était revenu.
La poussière soulevée par la Volga était retombée. Ils purent alors découvrir à quelques dizaines de mètre devant