Mahbouba et Soleïman

 

 

L'hiver afghan est venu, soudainement, en ce début décembre. Depuis ce matin, la première neige

recouvre la campagne ; une petite neige - barandjak : petit riz -, semblable à celle qui s'attardera aux

premiers jours du printemps. Les femmes s'affairent, à grands coups de pelle ; elles déblaient la neige

de la nuit qui menace le toit plat des maisons de terre.

Lui, n'a sans doute guère plus de huit ans. Une petite coiffe ornée de minuscules miroirs couvre son

crâne rasé. Une petite couverture en laine de chameau sur les épaules, pantalon de coton, il marche dans

la neige, les pieds enveloppés d'un chiffon déjà trempé et inutile. A ses côtés, sa grande sœur de dix ans,

même couverture, même pantalon blanc ; mais par-dessus son pantalon bouffant, une robe verte à petites

fleurs blanches ; mais par-dessus les chiffons qui recouvrent ses pieds, une paire de sandales en plastique

mille fois réparées, recousues avec du fil de fer et de la ficelle ; mais par-dessus ses cheveux noirs et tressés,

un voile léger, un fichu blanc. Le frère et la sœur marchent d'un pas régulier, luttant contre le froid qui les gagne.

Ils vont à l'école, au village voisin, à deux heures de marche. La nuit a été difficile . Serrés les uns contre les

autres sur de fins matelas de coton posés à terre, chauffés au souffle de trois moutons karakul donnés il y a

longtemps par le grand-père, la mère et les deux enfants ont dormi sans rêve, comme sclérosés par le froid.

Mais ils ont l'habitude ; c'est ainsi depuis toujours. La veille, la mère avait fait une soupe d'herbes enrichie de

grains de blé en bouillie. Le matin, avant de partir pour l'école, ils ont bu un verre de thé très chaud dans lequel

ils avaient trempé un morceau de pain sec : le prochain repas ne serait que le soir. Mais ils ont l'habitude ; c'est

ainsi depuis toujours.

Mahbouba et Soleïman allaient ainsi sur le chemin de l'école au petit matin. Il vaudrait mieux dire "des

écoles" car, bien entendu, filles et garçons étaient séparés. L'école de Mahbouba était récente. La précédente