escorté par un véhicule de la police afghane.
Mahbouba était assise sur un banc. Les filles avaient gardé leur fichu blanc sur la tête. La maîtresse

écrivit une phrase au tableau, planches décolorées et mal jointes. Les élèves lisaient en chœur, ânonnant

d'une voix chantante. A défaut d'écrire, elles mémorisaient oralement la mélodie. La mère de Mahbouba

sera contente - surtout quand elle verra les paquets de biscuits, peut-être qu'elles pourront en manger dès

ce soir, ce sera mieux que la soupe habituelle ; peut-être aussi que son père sera revenu et que la nuit

prochaine il fera moins froid et que les chiens sauvages resteront silencieux. Mais la maîtresse a vu que

Mahbouba rêvait et ne répétait plus le texte écrit au tableau, "Allons, allons, tu es là pour travailler et pour

apprendre, pas pour rêvasser". Alors, Mahbouba continua à rêver mais en gardant les yeux fixés sur le

tableau et en répétant avec les autres ce que disait la maîtresse. Les heures passaient. Midi approchait.

La neige avait cessé de tomber. Le soleil éclairait légèrement la montagne. Bientôt ce serait le thé de midi.

Soleïman, lui aussi, dans son école d'à côté, pensait au verre de thé libérateur. En attendant, il s'appliquait

à recopier avec exactitude les lettres du tableau, dans le silence parfait de la classe. C'est ce silence qui lui

permit d'entendre un bruit inhabituel, celui d'une moto qui approchait. Le braiment d'un âne réclamant sa pitance

était plus courant dans ce village reculé. La moto se rapprochait, elle était dans le village à présent. Puis, une

explosion, proche, violente. Des cris. Tous les garçons se précipitent aux fenêtres, sortent, courent vers l'école

de filles malgré les ordres hurlés par le maître. L'école est en feu. Quelques filles sortent, affolées. Elles sont

aspergées d'acide par les deux barbus à moto. La moto pétarade et s'enfuit dans la campagne. Mahbouba,

Mahbouba ! Où es-tu ? Où es-tu, Mahbouba ? Mahbouba a eu de la chance. Elle est restée prostrée au fond

de la classe, terrorisée, ses deux paquets de biscuits serrés sur sa poitrine. Un grand-père, vieux baba, peut-être

celui qu'elle avait croisé sur son âne gris, la sortira des flammes. Trois fillettes seront moins chanceuses et

mourront pour avoir voulu apprendre à lire. Quelques autres, les premières sorties, resteront brûlées au visage

et aux mains par l'acide. Journée d'épouvante. L'école, cette fois, ne sera pas reconstruite. Les filles resteront à