La Lune de Nao Roz
La glace était partout, accumulée au fil des mois d'hiver : stalactites sur les branches desmûriers, des acacias et des peupliers endormis dans le froid ; lacs gelés et ruisseaux immobiles
sous la carapace qui les recouvrait.
La neige silencieuse ensevelissait toujours la terre d'Afghanistan, accumulée tout au longd'un hiver particulièrement rigoureux : chemins étroits entre les congères, ne livrant passage
qu'à l'homme et à son âne, pistes et routes glacées, villages perdus, isolés ; seuls les toits de
terre étaient régulièrement dégagés à la pelle de bois, précaution indispensable pour éviter
qu'ils ne s'effondrent sous le poids de la neige.
Le vent venu des hauteurs de l'Hindou-Kouch s'engouffrait sous les châles , les voiles etles tchadris, transperçait les murs de terre, les portes et les fenêtres. Le froid paralysait encore
le cur du pays. Pourtant, c'était déjà le mois de hout , celui des Poissons, le dernier de l'année,
qui se terminait le 20 mars. Le Nouvel An - Nao Roz, mot à mot Nouveau Jour - approchait. Le
printemps était là, juste derrière la porte. Tout le pays souffrait, et pourtant la paix était revenue
depuis l'automne précédent. Les soldats étrangers étaient partis, les avions ne bombardaient
plus, les barbares avaient renoncé à leurs mines et à leurs attentats, ils étaient retournés au
fond de leurs grottes, les criminels de guerre avaient été chassés, les mille et un clans du pays
ne se combattaient plus. On attendait la fin du très long hiver, Nao Roz, le printemps et une
nouvelle vie.
Les quatre frères s'ennuyaient un peu dans leur grande ferme fortifiée de Bâmiyân. Il nesortaient guère ; il est vrai que les chemins et les pistes étaient pour la plupart difficilement