1
Le rossignol, note après note,
lancera au-dessus de toi,
un dais de pétales de roses. 
 Je suis Daoud, j'ai quinze ans et je suis afghan. Daoud ou David si vous voulez: ça veut dire aimé. 

Mais aimé de qui? De Dieu, paraît-il. Je crois qu'il m'a oublié, et il y a longtemps. Sait-il même que

j'existe et sait-il où je suis? Je viens de la steppe et du désert des montagnes et j'y étais seul. 

Les pierres ne m'ont rien dit, ni la terre sèche, ni les buissons d'épines, ni les hommes: ils m'ont laissé

me débrouiller. Seul le vent, peut-être , me parlait; et il m'a menti. Il soufflait de la lune glacée de la nuit. 

Sous mon châle brun, je l'écoutais passer et c'est moi qui gémissais jusqu'au soleil du matin, espérant

que sa lumière m'apporterait la force et la joie: illusion d'un moment, le temps que le vent s'en aille. 

Mais je sais que cette illusion existe, que la force et la joie sont quelque part. Même inaccessibles.

Alors je marche. Depuis si longtemps. Oui, je suis Daoud! Daoud! Daoud, c'est moi! Ignoré de Dieu,

aimé de sa mère. Mais ma mère a disparu dans l'incertain du temps. Elle n'est plus que lumière lointaine,

celle qui éclaire les montagnes de l'Afghanistan, ses rivières et ses plaines. Lumière sans espoir. 

De l'autre côté du Voile à jamais étendu. Je me souviens, mère, des poèmes de Hâfiz que tu me disais

et que tu m'apprenais. Monde qui n'existait que dans nos esprits et dans tes yeux, à présent impalpable

au fond de ma pensée. Eclaire la terre afghane, ma mère, et la vie de ton fils. Alors, je marche. 

Et ne sais où je vais, vers des océans inconnus, des villes de mystère, des foules indifférentes.

Cherchant qui m'appellera par mon nom. Daoud! Prince de Bâmyiân! Maître des eaux rapides,

aigle victorieux des cimes, ibex puissant sautant de roc en roc, vertige et allégresse! Je suis Daoud!

Daoud des airs glacés et de la lumière coupante. Mais ici tout est fade et sans vie. Mais le bruit des moteurs,

les sifflements et les nausées prenantes. Lacs de Band-i-Amir, silence des étoiles profondes! Vous,

hommes qui avancez sans savoir dans les rues, vos regards m'ignorent. Savez-vous que je suis Daoud?