dans le delta du Nil
Le soleil est puissant mais la lumière encore légère. Il n'est que dix heures. Ils arrivent àpied depuis la route où le minibus les a laissés, invités à un pique-nique dans une grande
orangeraie du delta du Nil. Des centaines d'orangers, de mandariniers ou de citronniers,
en pleine maturité en ce jour de fin de l'hiver égyptien. Une vingtaine de jeunes garçons
de seize, dix- sept ans, endimanchés sous les branchages chargés de fruits. Quelques
professeurs les accompagnent. Ils devisent lentement. Sourient. Les petits groupes se forment
et se déforment. On cueille des fruits que l'on offre. On échange les nouvelles. Vers midi, les
verres de thé circulent. Le silence de la nature est général. Aucun bruit civilisé, pas un moteur,
pas un cri ; rien, hormis le braiement lointain d'un âne, qui puisse troubler l'incroyable étalement
du temps, des pensées, des paroles.
C'est le milieu de l'après-midi, le repas semble ne vouloir être que de fruits cueillis sur l'arbre ;debout depuis le matin, appuyés sur le tronc d'un oranger ou le bras levé vers une branche, ils
attendent en bavardant que le soleil soit moins brûlant.
Venus d'on ne sait où, chargés de paniers, de grandes marmites et d'outres à eau, les domestiquespréparent enfin le pique-nique. Il est quatre heures. Les jeunes gens s'assoient par terre, quelques
adultes moins lestes préfèrent rester debout. Les pigeons farcis de riz, désossés, sont servis et
mangés comme des sandwiches, récompense de six heures d'attente. Arrivent les musiciens aux
amples galabeyas ; tambours, violes et flûtes emportent l'esprit vers les paysages célestes. Une
douce fille de quinze ans à la longue robe mouvante, aux yeux couleur de pistache cernés de khôl,
la tresse vivante et noire, pieds nus, danse dans la poussière, enchante les orangers. Seins et hanches
se dénudent au soleil. La flûte emmène loin dans le rêve au rythme noir du tambour. La fille virevolte
et sourit, promesse du pur paradis. Bel oranger, fruits riches et colorés. La plus haute lumière.
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