à Louqsor
Elle arriva seule à Louqsor le soir du 21 décembre. Le lendemain matin très tôt, elleprit une calèche dans la pénombre du matin. La brise du Nil était encore fraîche. Elle arriva
au temple de Karnak il n'était pas encore six heures. L'aube du solstice d'hiver s'éclairait au
loin dans le prolongement de la double rangée de sphinx, béliers qui gardaient l'entrée du
sanctuaire. Le soleil allait se lever et entreprendre sa course la plus courte. Sa mère lui avait
expliqué ce qui allait se passer ce matin-là ; elle avait placé le scarabée d'or sur sa peau, juste
au-dessus du cur tremblant de ses entrailles profondes.
L'allée des béliers donne sur l'entrée du grand temple d'Amon ; elle se prolonge sousles colonnes colossales et, à l'autre extrémité, à l'Est, au-delà des vestiges ruinés du grand
temple, au loin, débouche sur les restes d'une porte : deux piliers et leur linteau de pierre.
Le soleil se leva : très exactement dans l'axe de Karnak, et l'astre s'inscrivait très parfaitement
et très flamboyant dans la largeur de la porte. Millénaires puissants. Ligne droite lumineuse
connue des seuls concepteurs du temple. Secret du monde invisible.Le scarabée d'or vibra
dans son corps.
Elle se dégagea peu à peu de l'hypnose qui l'avait gagnée, de la pensée des bâtisseursanciens, de l'image de l'intérieur du temple éclairé par les rayons du solstice ; elle rentra à
pied le long du fleuve. Le soleil d'hiver avait pris possession de la campagne thébaine,
l'illuminant avec délicatesse.