au mont Sinaï

 

La vision la plus immédiate, la plus limpide que j'aie eue de l'Orient est celle que

j'ai reçue du haut du mont Sinaï. Partir dès minuit sur les chemins improbables qui mènent

au sommet ; pierres, rochers, buissons, bruissements, braiements des ânes, voûte protectrice,

étoiles libératrices, marches interminables creusées dans la montagne cristalline, muscles

durcis et souffrance ensommeillée. Arrivée dans le noir absolu : cachette dans le creux d'une

roche à l'abri du froid nocturne, enfouissement tellurien. Solitude somnolente entre la terre et

le ciel, à la musique du vent. Retours. Grande femme cachée, je t'appartiens à jamais : je vais à

toi aux lumières de l'orient, dans l'éclat du matin. Dans l'obscurité de la terre, j'attends ton regard

embrasé.

Mais vois, l'Arabie semble pâlir au loin, les sommets prennent vie, et le Sinaï. Solitude illusoire :

des ombres émergent du sol et se mettent à vivre ; elles aussi attendaient l'aube, certains chantent,

d'autres prient ou entrent en eux-mêmes ; tous se lèvent, adossés à la nuit fugitive, tournés vers

l'aurore qui monte, dans l'attente du soleil de flamme qui, une nouvelle fois, aurige vainqueur,

maîtrisera le monde. La plus haute lumière pour toujours maîtresse de mon sang.

 

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