à Saqqara

 

Ce jour de septembre et d'équinoxe avait été une journée encore éprouvante sous le

soleil. Le sable de Saqqara brûlait, réconfortant et purificateur. Plus au sud, la pyramide

rhomboïdale était comme un appel aux lointains et à l'infini des temps. Encore proches,

derrière moi, c'était les multiples masses éternelles de la mort, les puissants degrés qui

conduisirent le roi Djoser jusqu'aux domaines des dieux de la belle Egypte au bord du Nil.

Mais que faire des souvenirs anciens d'une vie effacée ? Comment revivre les marques

de la joie peintes sur les parois des tombes ? Ces grasses oies du Fayoum, pesantes et assurées ?

Ce pêcheur juvénile taillé dans le gris du granit, la main droite prête à jeter la pointe de son

bâton sur le poisson fuyant, à genoux sur sa pirogue de bois de palmier, dans sa lumineuse et

tiède nudité ? Et cette brune fille dans son adolescente candeur matinale, elle aussi penchée sur

l'eau nilotique, de sa main effleurant la fleur du lotus, offrant son impudique chair découverte à

la seule lumière solaire et aux seules vibrations musicales de l'air facile et sans inquiétude ?

Mais je veux être lumière solaire, chant insouciant de l'oiseau, tiédeur musculeuse, beauté

légère et fugitive, certitude des aubes avides.

Et je vais ainsi, avançant sur le sable durci, croûte du désert, m'éloignant des présents

tumultueux, des hommes insipides, vers les lueurs chaudes du soir occidental. Je sais qu'au loin,

abandonnés par les siècles, je trouverai des sarcophages de pierre, oubliés, inconnus, inexpliqués.

Je choisirai le mien, d'un calcaire gris, pour une nuit de force, de joie et de stabilité. Je me dépouillerai

des hardes salies qui me cachent au regard des autres, dans l'innocence adamique retrouvée ; ou dans

la pureté de ces voyageurs de Bouddha : dégagé des vestiges de ma détresse et de l'ennui mortel. Les

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