à Thèbes, dans la tombe de Sennefer
La tombe est profonde et la vigne cachée. Quarante trois marches grossières, comptées pas à pas,
taillées dans le calcaire, descendent dans l'ombre pesante du dernier refuge de Sennefer, maître de
Thèbes, au cur obscur de la vallée des nobles. Descente audacieuse à la lumière incertaine et
mouvante d'une lanterne électrique (lointaines torches des Anciens). Cur anxieux, violeur de
l'ultime intimité de l'Egypte. Mais le sol est atteint, poussière enfouie sous douze mètres de
montagne et de désert. A genoux, alors, tête inclinée, assis sur les talons, les mains appuyées sur
la terre archaïque, la pensée humble et l'esprit soumis, entre en toi-même au plus profond de ton
être ignoré, reste dans les ténèbres et dans ta solitude pour une nuit d'infinie oraison. Pleure :
tes larmes, offertes en libation, dissiperont ta peine et laveront ta mémoire. Incline encore la tête :
tu trouveras enfin la pierre très cachée qui se dérobait à toi. Tu la liras avidement et trouveras ta
liberté.Alors seulement tu pourras te dresser, Adam de vigueur et de lumière, pour regarder
hardiment le cep de vigne issu des entrailles du sol, grimpant à la paroi de la tombe, pour épanouir
sur toute la voûte ses branches rouges, ses grappes bleues, ses grains noirs et ses vrilles dansantes.
Emplis-toi ainsi de la même vie qui gardait Sennefer et sors régénéré au soleil de l'orient, jeune, vif,
lumineux, beau ; aigu.